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Les autres mètres.

LE VERS DE ONZE SYLLABE ou HENDÉCASYLLABE
 

 Ce vers fut introduit par Nicolas Rapin, un des auteurs de la "Satire Ménippée".

Il comprenait deux parties inégales: 5+6.

Malgré son peu de succés à cause de son allure boiteuse, comparable à un mauvais alexandrin, il eut quelques partisans qui essayèrent de le corriger en utilisant une accentuation différente. Georges Duhamel et Charles Vildrac écrivaient: "un vers de 11 syllabes coupé en 8+3; le premier hémistiche, 8: un élan majeur et lyrique. Puis le second 3: un étranglement, l'élan est brisé. On a quelquefois besoin d'exprimer cela.

Un cri voudrait jaillir de moi / et ne peut…                
 

VERS DE NEUF SYLLABES ou ENNÉASYLLABE 
 

Quoique le vers de neuf syllabes ou ennéasyllabe soit peu usité, et que les traités de versification n'en disent presque rien, nous n'avons pas hésité à le rétablir à sa place, parce qu'il paraît très harmonieux. On le trouve particulièrement dans des pièces destinées à la musique.

Il a une césure obligée après la troisième syllabe

Belle Iris, / malgré votre courroux,
Si jamais / vous revenez à vous,
Vous rirez, / et j'engage ma foi
Qu'aussitôt vous reviendrez à moi. CHARLEVAL.

 On ne se doute guère que Racine ait fait des vers de neuf syllabes. Il y en a cependant quelques-uns dans son Idylle sur la Paix

De ces lieux / l'éclat et les attraits,
Ces fleures odorantes,
Ces eaux bondissantes,
Ces ombrages frais
Sont des dons / de ses mains bienfaisantes.
De ces lieux / l'éclat et les attraits
Sont les fruits de ses bienfaits. 

Nous retrouvons encore une fois dans ce vers l'hémistiche de l'alexandrin, avec son accent final qui est de rigueur, et son accent intérieur qui est mobile.

Remarque. Sedaine a fait quelques vers de neuf syllabes coupés après la quatrième

Je n'aimais pas / le tabac beaucoup
J'en prenais peu, / souvent point du tout;
Mais mon mari / me défend cela. 

Et comment ne pas faire référence à ce poème écrit en ennéasyllabes par un de nos plus grands poètes ?

 À Charles Morice 

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

Ô qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.

Paul Verlaine
 


VERS DE SEPT SYLLABES.

Le vers de sept syllabes, ou heptasyllabe, convient, comme le précédent, à l'épitre familièreau conte, à l'ode, à la chanson.

La Fontaine a fait plusieurs fables en vers de sept syllabes. Voici le commencement de celle qui a pour titre : Jupiter et les Tonnerres

Jupiter, voyant nos fautes,
Dit un jour du haut des airs
« Remplissons de nouveaux hôtes 
Les cantons de l'univers
Habités par cette race
Qui m'importune et me lasse. 

Le vers de sept syllabes a deux accents exigés, celui de la rime, et un autre placé arbitrairement, mais d'ordinaire sur la troisième ou la quatrième syllabe, quelquefois sur la seconde et la cinquième.

J'ai vu mes tristes journées
Décliner vers leur penchant;
Au midi de mes années,
Je touchois à mon couchant.
La Mort, déployant ses ailes,
Couvrait d'ombres éternelles
La clarté dont je jouis;
Et, dans cette nuit funeste,
Je cherchois en vain le reste
De mes jours évanouis. ROUSS.
 

On voit ici le vers de sept syllabes employé dans une des plus belles strophes françaises.

Des enjambements, pareils à ceux que nous avons blâmés dans les vers de huit syllabes, sont également condamnables dans celui-ci. 

 

LE VERS DE SIX SYLLABES 

Le vers de six syllabes, ou hexasyllabe , se joint ordinairement à de plus grands vers. Ex:

Félicité passée
Qui ne peut revenir;
Tourment de ma pensée,
Que n'ai-je, en te perdant, perdu le souvenir ! BERTAUT. 

Dans les odes, on le voit fréquemment entremêlé avec de plus longs mètres

Mais elle étoit du monde où les plus belles choses
Ont le pire destin;
Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin. MALHERBE 

On le trouve tout seul dans le genre lyrique.

La poésie légère, qui emploie souvent le vers de sept syllabes et celui de cinq, n'emploie guère celui de six. La raison en est que celui-ci forme un hémistiche de l'alexandrin, et trompe l'oreille par cette ressemblance.

Il prend les deux mêmes accents que l'hémistiche du grand vers.
 

LE VERS DE CINQ SYLLABES 

Le vers de cinq syllabes est tantôt seul, tantôt joint à des mètres plus longs: dans les deux cas, il est souvent destiné à la musique.

On s'en sert aussi dans des pièces de longue haleine, particulièrement du genre descriptif. 

Madame Deshoulières l'a choisi pour son idylle allégorique, que tout le monde connaît :

Dans ces prés fleuris
Qu'arrose la Seine,
Cherchez qui vous mène,
Mes chères brebis…
 

VERS DE QUATRE SYLLABES. 

A mesure que nous avançons, les mètres vont devenir d'un usage de plus en plus rare.

Le vers de quatre syllabes s'emploie seul ou se mélange avec de plus grands vers. II convient au genre lyrique et au genre familier

 La Fontaine, qui a employé toutes les mesures, offre quelques vers de quatre syllabes :

Quand la perdrix
Voit ses petits
En danger, et n'ayant qu'une plume nouvelle... 

Ce mètre n'a d'accent constant et nécessaire que celui de la rime.

"Il peut quelquefois, dit La Harpe, être employé avec succès, pourvu que ce soit avec sobriété ; car l'oreille serait bientôt fatiguée du retour trop fréquent des mêmes sons... Il y aurait de l'inconvénient à les prolonger (ces vers): ils ne sont faits que pour des pièces de peu d'étendue. Comme la difficulté de se resserrer dans un rythme très étroit est un de leurs mérites, cette difficulté, trop longtemps vaincue, ne paraîtrait qu'un jeu d'esprit, un effort artificiel, et c'est ce qu'il faut éviter en tout genre."

 

VERS DE TROIS SYLLABES, DE DEUX SYLLABES ET D'UNE SYLLABE 

On les trouve d'ordinaire mélangés à de plus grands vers

La cigale ayant chanté
Tout l'été. LA FONTAINE

Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger. LA FONTAINE

Les poètes du XVIe siècle faisaient souvent usage d'une stance dans laquelle entrait le vers de trois syllabes.

Ces mètres se trouvent plus rarement employés seuls.

 

Le vers libre classique