Les strophes: le sixain, le septain, le huitain
STROPHE DE SIX VERS ou SIXAIN.
La strophe de six vers, qu'on nomme sixain, est celle que les poètes classiques ont le plus souvent employée.
Elle a beaucoup d'harmonie et admet de nombreuses combinaisons. Dans sa coupe la plus ordinaire, elle prend un repos après le troisième vers, de sorte qu'elle est partagée en deux tercets : le premier vers rime avec le second, le quatrième avec le cinquième, et le troisième avec le sixième. Plus rarement on la divise en un quatrain et un distique (réunion de deux vers).
Pour la composition du sixain on peut utiliser tous les mètres, mais, une fois encore l'alexandrin est le préféré de nombreux poètes classiques.
1er modèle. AABCCB
avec
l'alexandrin:
en décasyllabes: |
|
Remarque. Quelquefois le sixain se fait sur deux rimes croisées: ABABAB
Dans leur course
vagabonde |
F M F M F M F M F M F M |
2e modèle. Vers alexandrins et vers de dix syllabes. Ce mélange est rare.12A-12A-10B-12C-12C-10B
C'est assez que, cinq ans, ton audace effrontée,
Sur des ailes de cire aux étoiles montée,
Princes et rois ait osé défier
:
La fortune
t'appelle au rang de ses victimes ;
Et le ciel, accusé de supporter tes crimes,
Est résolu de se justifier. MALHERBE
3e modèle. Vers alexandrins et vers de huit syllabes. Les combinaisons sont très
multiples. 12A-12A-12B-12C-12C-8B
Le temps fuit, dites-vous ; c'est lui qui nous
convie
A saisir
promptement les douceurs de la vie
L'avenir est douteux, le présent est certain ;
Dans la rapidité d'une course bornée,
Sommes-nous assez sûrs de notre destinée,
Pour la remettre au lendemain? ROUSSEAU
4e modèle. 12A-12A-12B-12C-8C-8B
Maintenant que l'hiver désole les
campagnes,
Que la
neige blanchit prés, forêts et montagnes,
Et cache au laboureur l'espoir de ses moissons ;
Que les fleuves gelés sont durs comme des marbres,
Et qu'on voit aux branches des
arbres
Pendre le
cristal des glaçons. MALHERBE
5e modèle. 12A-12A-8B-12C-12C-8B
Ce soleil qui nous luit, le monde entier
l'appelle
Roi des
astres nombreux dont l'Olympe étincelle,
Et chef-d'œuvre du Tout-Puissant.
Est-il donc le plus grand des flambeaux de la terre,
Ou le plus élevé dans les champs du
tonnerre?
Non,
non; mais il est bienfaisant. GILBERT.
6e modèle. 12A-12B-8A-12B-8A-12B
Pour flatter ma douleur je ne sais que choisir
:
Le chant des
rossignols, le bruit d'une fontaine,
Rien ne charme mon déplaisir.
J'en parle si souvent aux nymphes de la Seine,
Que je ne donne pas loisir
Aux échos d'alentour de prendre un peu
d'haleine.
Mlle DESHOULIÈRES
7e modèle. 12A-8A-12B-12C-12C-8B
Mais la douce Prière, aux lèvres
gémissantes,
Étendant ses mains suppliantes,
Suit la rapide Injure, au regard effaré :
Elle baisse ses yeux de pleurs toujours humides ;
Et, près de Jupiter portant ses vœux
timides,
Désarme
l'Olympe irrité. LE BRUN.
8e modèle.12A-12A-12B-8C-8C-12B
Vertu, dont le trésor est si haut et si
cher,
Caché le
plus souvent au faîte d'un rocher
Devant lequel on voit cent et cent précipices ;
Mais la vertu n'a point d'écueils,
Et c'est au milieu des cercueils
Qu'elle lève la tête et trouve des
délices. D'AUBIGNY (fils).
9e modèle.12A-12A-12B-8C-12C-8B
Parfaits dans le petit, sublimes en
bijoux,
Grands
inventeurs de riens, nous faisons des jaloux.
Élevons nos esprits à la hauteur suprême
Des fiers enfants de Romulus :
Ils faisaient plus cent fois
pour des peuples vaincus
Que
nous ne faisons pour nous même. VOLTAIRE
10e modèle. 8A-8A-8B-12C-12C-12B
Amour a cela de
Neptune,
Que
toujours à quelque infortune
Il faut se tenir préparé.
Ses infidèles flots ne sont point sans orages ;
Aux jours les plus sereins on y fait des naufrages,
Et, même dans le port, on est mal assuré. MALHERBE
11e modèle. 8A-8B-8B-8A-12C-12C
Seigneur, dans ta gloire
adorable
Quel
mortel est digne d'entrer?
Qui pourra, grand Dieu, pénétrer
Ce sanctuaire impénétrable,
Où tes saints inclinés, d'un œil respectueux
Contemplent de ton front l'éclat majestueux? ROUSSEAU
12e modèle. 8A-8A-8B-12C-12C-8B
Louez Dieu par toute la
terre,
Non par la
crainte du tonnerre
Dont il menace les humains,
Mais parce que sa gloire en merveilles abonde,
Et que tant de beautés qui reluisent au monde
Sont les ouvrages de ses mains. MALHERBE
13e modèle. 8A-8A-12B-8C-8C-12B
Que le choc affreux des
tempêtes
Des
rochers renverse les têtes,
Que l'univers ne soit qu'un théâtre d'horreur :
Autour de Sion immobile
Le Jourdain coulera
tranquille,
La
paix habitera la cité du Seigneur. LA MOTTE.
14e modèle. 8A-8A-12B-8C-12B-12C
Déjà la lune en
pâlissant
Fuit
devant le soleil naissant,
Et le sommeil encor n'a fermé ma paupière.
Pour moi seulement sous les cieux
La nuit est sans repos et le jour sans lumière,
Aussitôt que Cloris s'éloigne
de mes yeux. DESMARETS
15e modèle. 8A-8A-12B-12C-8C-8B
Peut-être, en vous parlant d'un
feu
Dont l'ardeur
vous touche si peu,
Je vous ai ramené quelque image effacée,
Et par mon innocent et funeste entretien,
Un autre tourment que le mien
Vous est tombé dans la pensée. BENSERADE.
16e modèle. 8A-12A-8B-8C-8C-12B
Source de bonheur et de
peine,
Beauté,
chère aux mortels, ah ! ne sois pas trop vaine
D'un charme frêle et passager.
Par une longue tyrannie
Ne tourmente point le génie
:
De l'envieux
Saturne il peut seul te venger. LE BRUN.
17e modèle. 12A-8A-8B-8C-8C-8B
Que sert à mon esprit de percer les
abîmes
Des
mystères les plus sublimes,
Et de lire dans l'avenir?
Sans amour ma science est vaine,
Comme le songe dont à peine
Il reste un léger souvenir. RACINE
18e modèle. 8A-8B-8A-8B-8A-12B
Ton nom est saint et redoutable
;
Heureux qui
l'adore et le craint !
C'est cette crainte secourable
Qui forme le sage et le saint
D'un cœur par elle inébranlable
La gloire doit survivre au soleil même éteint.
LA MOTTE
19e modèle. Vers alexandrins et vers de six syllabes : 12A-12A-12B-12C-12C-6B
Voilà quel fut celui qui t'adresse sa
plainte.
Victime
abandonnée à l'envieuse feinte,
De sa seule innocence il fut accompagné ;
Toujours persécuté, mais toujours calme et ferme ;
Et, surchargé de jours, n'aspirant plus qu'au
terme
A leur
nombre assigné. ROUSSEAU
20emodèle. 12A-12A-6B-12C-12C-12B
Soucis, retirez-vous; faites place à la
joie,
Misérable
douleur dont nous sommes la proie :
Nos vœux sont exaucés.
Les vertus de la reine et les bontés célestes
Ont fait évanouir ces orages funestes,
Et dissipé les vents qui nous ont menacés. MALHERBE
21e modèle. 12A-12A-12B-6C-12B-12C
Ô sagesse éternelle, à qui cet
univers
Doit le
nombre infini des miracles divers
Qu'on voit également sur la terre et sur l'onde :
Mon Dieu, mon créateur,
Que ta magnificence étonne tout le monde !
Et que le ciel est bas au prix de ta hauteur !
MALHERBE
22e modèle. 12A-12A-12B-12C-6C-12B
A l'aspect des vaisseaux que vomit le
Bosphore,
Sous un
nouveau Xerxès Téthys croit voir encore
Au travers de ses flots promener les forêts ;
Et le nombreux amas de lances hérissées,
Contre le ciel
dressées,
Égale les épis qui dorent nos guérets. ROUSSEAU
23e modèle. 12A-12A-6B-12C-12C-6B
Je n'irais point, des dieux profanant la
retraite ,
Dérober au Destin, téméraire interprète,
Ses augustes secrets ;
Je n'irais point chercher une amante
ravie,
Et, la lyre
à la main, redemander sa vie
Au gendre de Cérès. ROUSSEAU
24e modèle.12A-12A-12B-6C-12B-6C
Enfin la patience et les soins que j'ai
pris
Ont selon
mes souhaits adouci les esprits
Dont l'injuste rigueur si longtemps m'a fait plaindre
Cessons de
soupirer:
Grâces à
mon destin, je n'ai plus rien à craindre,
Et puis tout espérer. MALHERBE
25e modèle. 12A-6A-12B-12C-6C-12B
Ô toi, qui d'un clin d'œil sur la terre et sur
l'onde
Fais
trembler tout le monde,
Dieu, qui toujours es bon et toujours l'as été :
Verras-tu concerter à ces âmes tragiques
Leurs funestes pratiques ?
Ne tonneras-tu point sur leur impiété? MALHERBE
26e modèle. 12A-12A-6B-12C-6C-12B
La terre en tous endroits produira toutes
choses ;
Tous
métaux seront or, toutes fleurs seront roses,
Tous arbres oliviers;
L'an n'aura plus d'hiver, le jour n'aura plus d'ombre,
Et les perles sans
nombre
Germeront
dans la Seine au milieu des graviers. MALHERBE
27e modèle.12A-12A-12B-12C-6C-6B
L'ambition guidait vos escadrons rapides
;
Vous dévoriez
déjà, dans vos courses avides,
Toutes les régions qu'éclaire le soleil :
Mais le Seigneur se lève; il parle, et sa menace
Convertit votre audace
En un morne sommeil. ROUSSEAU
28e modèle.12A-12A-12B-6C-6C-12B
Ministres de la nuit, en vain votre
furie
Tâche de
m'accabler : tous les jours de ma vie
Sont ès mains de mon Dieu, père de vérité :
Le jour est mon refuge,
Et j'aurai pour mon
juge
Sévère et
souverain, le temps, l'éternité. D'AUBIGNY (fils).
29e modèle. 12A-12A-12B-6C-6C-6B
Ainsi, de l'équateur et des antres de
l'Ourse,
Les vents
impétueux emportent dans leur course
Des nuages épais, l'un à l'autre opposés.
Et tandis qu'ils s'unissent,
Les foudres
retentissent
De
leurs flancs embrasés. VOLTAIRE
30e modèle. 12A-12A-6B-6C-12B-6C
Non, non, laissons-nous vaincre après tant de
combats ;
Allons
épouvanter les ombres de là-bas
De mon visage blême;
Et sans nous consoler,
Mettons fin à des jours que la Parque elle-même
A regret de filer. MALHERBE
31e modèle.12A-12A-6B-6C-6C-6B
Quels rayons bienfaisants, quelles sources
divines
De l'arbre
de Juda raniment les racines,
Et lui donnent des fruits?
Une tige plus belle
Remplace et renouvelle
Ses rejetons détruits. LE
FRANC.
- Remarque. Les modèles les plus usités sont les strophes isomètres et les numéros 3 (12a+12a+12b+12c+12c+8b), 11 (8a+8b+8b+8a+12c+12c), 19 (12a+12a+12b+12c+12c+6b), 22 (12a+12a+12b+12c+6c+12b), 23 (12a+12a+6b+12c+12c+6b) et 27 (12a+12a+12b+12c+6c+6b).
Les poètes du XVIe et du XVIIe siècle construisaient aussi des sixains avec de petits vers, lesquels ne sont plus admis
aujourd'hui que dans les chansons.
STROPHE DE SEPT VERS.
La strophe de sept vers, appelée septain,
est composée d'un quatrain et d'un tercet, ou d'un tercet et d'un quatrain.
Le cas le plus fréquent est celui de la strophe en vers de même mesure.
1er modèle. 8A-8B-8B-8A-8C-8A-8C
C'est ainsi que du jeune Atride
On vit l'éloquente douleur
Intéresser dans son malheur
Les Grecs assemblés en Aulide,
Et d'une noble ambition,
Armer leur colère intrépide
Pour la conquête d'Ilion. ROUSS.
2e modèle. 8A-8B-8A-8B-8C-8C-8B
Suspends tes flots, heureuse Loire,
Dans ce vallon délicieux ;
Quels bords t'offriront plus de gloire
Et des coteaux plus gracieux
Pactole, Méandre, Pénée,
Jamais votre onde fortunée
Ne coula sous de plus beaux cieux. GRESSET
3e modèle. 8A-8A-8B-8C-8C-8C-8B
Monte, écureuil, monte au grand chêne,
Sur la branche la plus prochaine
Qui plie et tremble comme un jonc.
Cigogne, aux vieilles tours fidèle,
Oh vole ! et monte à
tire-d'aile
De l'église à la
citadelle,
Du haut clocher au grand donjon.
V. HUGO
4e modèle. 12A-12A-12B-12C-12B-12C-12B
Oh ! qu'il est saint et pur le transport du
poète,
Quand il voit en espoir, bravant la mort
muette,
Du voyage des
tempe la gloire revenir !
Sur les âges
futurs, de sa hauteur sublime
Il se penche, écoutant
son lointain souvenir ;
Et son nom, comme un poids jeté
dans un abîme,
Éveille un écho faible au fond de l'avenir .
V. HUGO.
5e modèle. Vers de huit syllabes et vers alexandrins : 8A-8B-8B-8A-8C-8A-12C
Ainsi que la vague rapide
D'un torrent qui coule à grand bruit
Se dissipe et s'évanouit
Dans le sein de la terre humide ;
Ou comme l'airain enflammé
Fait fondre la cire fluide
Qui bouillonne à l'aspect du brasier allumé. ROUSS.
6e modèle. 12A-8B-8A-8B-12C-12C-12B
Paraissez, roi des rois : venez, juge
suprême,
Faire éclater votre
courroux
Contre l'orgueil et le
blasphème
De l'impie armé contre
vous.
Le Dieu de l'univers est le Dieu des vengeances
:
Le pouvoir et le droit de punir les
offenses
N'appartient qu'à ce Dieu
jaloux. ROUSS.
7e modèle. 8A-8B-8A-12B-8C-8C-12B
C'est ce Dieu de qui la parole
Parcourt à l'instant l'univers ;
Il commande : la neige vole ;
La glace arrête l'onde et lui donne des fers.
La nature meurt consumée :
Mais veut-il la voir ranimée?
D'un souffle il fond la glace et réchauffe les airs. LA
MOTTE.
8e modèle. 12A-12B-12B-12A-12C-12C-8B
Qu'il soit grave et rapide à venger un affront
;
Qu'il aime mieux savoir le jeu du
cimeterre
Que tout ce qu'à vieillir on apprend sur la
terre ;
Qu'il ignore quels jours les soleils
s'éteindront,
Quand rouleront les mers sur les sables
arides ;
Mais qu'il soit brave et jeune, et préfère à
des rides
Des cicatrices sur son front. V. HUGO
9e modèle. Alexandrins et vers de six syllabes 12A-12B-12B-8A-8A-8A-8B
La terre ne sait pas la loi qui la féconde
:
L'Océan, refoulé sous mon bras
tout-puissant,
Sait-il comment, au gré du nocturne
croissant,
De sa prison
féconde
La mer vomit son
onde,
Et des bords qu'elle
inonde
Recule en mugissant? LAMARTINE.
STROPHE DE HUIT VERS ou HUITAIN.
La strophe de huit vers se nomme huitain. Elle est composée de deux quatrains.
Voyons d'abord la strophe isomètrique:
1er modèle. 7A-7B-7A-7B-7C-7D-7C-7D
Plus sévère que
Diane,Plus aimable que
Cypris,
Plus touchante qu'Ariane
Sur les rochers attendris,0 Zulmé, tu vois les
Grâces,
Compagnes de tes douleurs,
Te suivre dans les disgrâces,
Et s'embellir de tes pleurs. LE
BRUN.
8A-8B-8A-8B-8C-8D-8C-8D
Par les ravages du tonnerre
Nous verrions les champs moissonnés,
Et des entrailles de la
terre
Les plus hauts monts déracinés ;
Nos yeux verraient leur masse aride,
Transportée au milieu des airs,
Tomber d'une chute
rapide
Dans le vaste gouffre des mers. ROUSSEAU
La strophe de huit vers isomètriques, et surtout octosyllabes, est très-ancienne dans notre poésie. Elle est déjà fréquente dans l'oeuvre de Ronsard. Aujourd'hui on ne l'emploie guère que dans les chansons.
Quelquefois on la composait entièrement d'alexandrins; mais, en général, les couplets en alexandrins ne doivent pas dépasser six vers.
Ordinairement les rimes s'alternent, comme dans le modèle précédent. Quelquefois elles affectent d'autres combinaisons.
2e modèle : 8A-8B-8A-8B-8B-8C-8C-8B
L'orgueil déconcerté succombe
;
Ton bras s'est déployé sur
lui
Et sur
le trône dont il tombe
L'humble prend sa place aujourd'hui.
Pour ceux dont tu deviens l'appui
Plus de besoins, plus de faiblesses;
Le pauvre jouit des
richesses
Qui de la main du riche ont fui. LA MOTTE.
3e modèle :
Tandis que l'étoile inodore
Que l'été mêlé aux blonds épis,
Émaille de son bleu lapis
Les sillons que la moisson dore;
Avant que, de fleurs dépeuplés,
Les champs aient subi les faucilles,
Allez, allez, ô jeunes filles,
Cueillir des bleuets dans les blés. V.
HUGO
4e modèle.
Ces solitudes mornes,
Ces déserts sont â Dieu:
Lui seul en sait les bornes,
En marque le milieu.
Toujours plane une brume
Sur cette mer qui fume
Et jette pour écume
Une cendre de feu. V HUGO
Sans monter au char de victoire
Meurt le poète créateur :
Son siècle est trop près de sa gloire
Pour en mesurer la hauteur.
C'est Bélisaire au Capitole :
La foule court à quelque idole,
Et jette en passant une obole
Au mendiant triomphateur. V. HUGO
5e modèle.
Adieu, la brigantine,
Dont la voile latine
Du flot qui se mutine
Fend les vallons amers!
Adieu, la balancelle
Qui sur l'onde chancelle,
Et, comme une étincelle,
Luit sur l'azur des mers. V. HUGO
6e modèle. Alexandrins et octosyllabes :
Il est le Dieu des dieux, il en est le grand
maître,
Aussi fort, aussi bon que grand
;
II ne dédaigne point l'hommage qu'on lui
rend;
Il conserve ce qu'il fait naître
;
Il est de tout l'unique
auteur;
Il enferme en sa main les deux bouts de la
terre ;
Des monts plus hauts que le
tonnerre
D'un coup d'œil il voit la hauteur.
CORN.
7e modèle,
J'aime toutefois en mon âme
Ce beau songe, quoique trompeur,
Parce qu'il m'embrase le cœur
D'une plus violente et plus sensible flamme.
Ce n'est paf que, m'ayant fait montre des plaisirs
Qui méritent ma peine et ma persévérance,
II augmente mon espérance,
Mais il redouble mes désirs. HABER.
8e modèle.
Reprenez vos harpes muettes,
Disaient ces vainqueurs inhumains;
Chantez-nous ces cantiques saints
Qu'apprit Sion de ses prophètes.
Ce discours accrut nos douleurs ;
Il vint de honte nous confondre,
Et dans notre transport, nous n'y pûmes répondre
Que par des soupirs et des pleurs. GODEAU.
9e modèle.
Il a fui devant nous, pour retarder sa
perte,
Ce peuple usurpateur de l'empire des eaux
;
A peine, pour combattre, ont paru nos vaisseaux
;
Il laisse au loin la mer déserte
;
Des Français menaçants l'image le
poursuit;
II fuit encor, caché sous de lâches
ténèbres,
Et dans ses ports jadis
célèbres,
Il court de son salut rendre grâce à la nuit.
GILBERT
10e modèle. Alexandrins et vers de six syllabes :
Durant que son bel œil ces lieux
embellissaient,
L'agréable printemps sous ses pieds
florissait ;
Tout riait auprès d'elle, et la terre
parée
S'était
enamourée.
Ores que le malheur nous en a su
priver,
Leurs yeux, toujours mouillés
d'une humeurs continue,
Ont changé leurs saisons en la saison d'hiver,
N'ayant su découvrir ce qu'elle est devenue. RÉGNIER.
11e modèle.
S'il advient quelquefois qu'outre ma
volonté,
Du logis où je suis j'abandonne la
porte,
Je chancelle à tous pas d'un et d'autre
côté,
Tant l'excès du malheur hors de moi me
transporte.
Je ne parle à personne et chemine
incertain,
Comme il plaît à ma
rage;
Si quelqu'un me rencontre, il me prend tout
soudain
Pour un mauvais présage.
DESPORTES.